Cybercarnet du président

Un mariage chrétien sur trois connaît de la maltraitance

Abordons une réalité trop souvent cachée dans nos Églises locales.

Celle de la maltraitance. Plus particulièrement, la maltraitance conjugale. Jack Taylor a récemment démarré un nouveau ministère : « One-Heart Coaching », un ministère d’accompagnement et de counselling conçu pour les couples mariés de dirigeants d’Églises. Jack est connu au sein de notre Fellowship. Cet ancien pasteur du Fellowship, missionnaire en Afrique, conseiller chrétien, auteur et romancier à mystère s’est établi à Vancouver en Colombie-Britannique.

J’ai demandé à Jack de s’attaquer à ce sujet délicat. Voici son article :

La COVID-19 a-t-elle arraché la façade de ce qui survient derrière les portes fermées des foyers chrétiens ou en a-t-il toujours été ainsi? Ou alors, à l’heure actuelle, notre compréhension et notre définition de la maltraitance semblent-elles avoir été suffisamment élargies pour les inclure dans un mariage sur trois? Selon Lorrie Wasyliw, cheffe de direction de WINGS (Women in Need Gaining Strength) « Les statistiques sur la maltraitance sont maintenant semblables dans les mariages chrétiens que dans les mariages séculiers. Quatre-vingt-dix pour cent de la maltraitance est faite contre les femmes.

Les Nations Unies définissent la violence à l’encontre des femmes et des filles comme « Tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. » Si cette définition est valable, alors 51 % des femmes canadiennes expérimenteront une forme de violence après leur seizième année. Cependant, seulement 14 % d’entre elles trouveront le courage et la force de la dénoncer. Seule une femme sur cinq aura recours à quelqu’un à l’extérieur de son foyer pour obtenir de l’aide.

Selon la Monarch Place Transition House, « La maltraitance est un schème comportemental dont se sert une personne maltraitante pour établir son pouvoir et son contrôle sur une autre personne. Derrière toute forme de maltraitance se trouve un déséquilibre du pouvoir entre la personne et celle qui la maltraite. » Par ailleurs, l’organisation WINGS déclare sur son site Web que « La maltraitance tant psychologique qu’émotionnelle endommage tout autant l’estime de soi d’une femme que la maltraitance physique. Parmi les formes de maltraitance se trouvent : une possessivité excessive, des menaces de suicide, des menaces de violence, des menaces de mettre les enfants en danger, des restrictions des activités, l’isolement de la famille et des amis, le fait de forcer la personne à commettre des activités dégradantes, des insultes verbales, des dénigrements, des injures, un contrôle de l’argent et de la prise de décisions, des menaces et de la maltraitance aux animaux de compagnie, ainsi que la destruction de biens personnels. »

MH, dans une lettre, explique son récit. « Élevée dans un foyer chrétien, j’ai été plongée dans une culture qui enseignait les vérités et les principes bibliques qui ont façonné le cadre de ma vie. Ma façon de regarder à l’extérieur, de me comporter, comment je participais au monde qui m’entourait, comment j’interagissais avec Dieu, et comment je pensais fondamentalement… Devenue jeune femme, je me suis engagée dans un mariage avec un homme, j’ai cru ce que l’on m’avait enseigné. C’est-à-dire que le mariage était un engagement pour la vie et quels que soient les défis que la vie allait présenter, notre foi en la souveraineté de Dieu et en sa puissance nous aideraient à tout surmonter. Selon l’éducation que j’ai reçue, mon mari avait l’autorité définitive dans notre foyer. Mon rôle consistait à le soutenir et à m’en remettre à son autorité lorsque nous serions en désaccord. Une bonne épouse répondrait à ses besoins et en l’honorant, elle honorait Dieu. »

Madame Wasyliw souligne que ce ne sont pas tous les pasteurs qui prêchent clairement que Dieu déteste la maltraitance. Et ils ne se montrent pas toujours ouverts pour aborder ce problème. « Vous ne savez pas ce que vous ne savez pas » était sa devise. Une femme qui a abordé son pasteur est repartie avec la pensée qu’elle devait se soumettre, confectionner d’autres biscuits et offrir de meilleurs rapports sexuels. Son mari avait un poste important dans son Église, où il était bien aimé et il était clair qu’on n’a pas cru cette femme. « Vous ne savez pas ce dont une personne est capable de faire derrière une porte fermée. » souligne Madame Wasyliw.

« La violence et la maltraitance familiales atteignent toutes les couches de la société. Elles incluent tous les groupes culturels, les âges, les classes économiques et les religions. Les plus jeunes et les plus pauvres demeurent les plus vulnérables. La maltraitance physique, verbale, émotionnelle et sexuelle constitue une épidémie. »

MH poursuit : « Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre que je vivais dans la maltraitance et que Dieu ne l’approuve pas. Lorsque je réfléchis sur ma relation avec mon ancien mari, je peux voir que tous les signaux d’alerte étaient là, les moments dans les fréquentations qui auraient alerté une personne mieux renseignée. À vrai dire, d’autres personnes ont bien tenté de m’avertir qu’il y avait un problème inhérent dans notre dynamique relationnelle. Cependant, j’ai balayé leurs inquiétudes, j’ai entretenu mes rêves et je me suis lancée dans ce mariage et je l’ai consacré à Dieu, comme tant d’autres l’ont fait avant moi. »

Un cycle de maltraitance connaît souvent trois phases distinctes, et chacune comporte sa part distincte de maltraitance. Une phase d’explosion, souvent fréquente, où des comportements dangereux surviennent. Une phase de réconciliation où de mauvaises actions sont reconnues, où la culpabilité, les regrets, la honte et les remords sont exprimés. Des promesses sont faites pour se réformer ou obtenir de l’aide; et avec beaucoup d’attention accordée, le comportement change. Puis, une phase d’accumulation commence où les promesses ne sont pas tenues, où l’on trouve des excuses, l’on justifie le mauvais comportement et les alertes sont ignorées. L’intérêt se porte sur le comportement du partenaire de la personne maltraitée. La tension, le stress, la frustration, l’amertume, la peur, l’inquiétude, la colère, la solitude et les blessures s’accumulent. Puis, les besoins non comblés conduisent à une autre accumulation.

De nombreuses documentations sont offertes pour apporter du soutien aux soignants lorsque survient la maltraitance. La sensibilisation demeure fondamentale et des sites Web comme theraveproject.com ou www.monarchplace.org livrent un portrait élargi de ce qui entoure ce sujet.

MH remarque que « La sensibilisation a tout changé. Je n’oublierai jamais ce jour, celui où j’ai ressenti une autre terreur, celle de l’acceptation. J’ai été victime de maltraitance. Je n’étais pas battue physiquement, mais je portais toutes les marques et les cicatrices de dizaines d’années de maltraitance. Finalement, je suis parvenue à une forme de clarté. Le brouillard s’est dissipé et j’ai pu voir comment mes actions n’effaceraient jamais la réponse que j’espérais recevoir de mon mari. Il fonctionnait selon une échelle de valeurs fondamentales et je fonctionnais selon une échelle différente. J’ai reconnu que j’avais vécu des cycles de maltraitance et j’ai admis qu’à moins qu’il ne transforme ses valeurs principales, aucun changement ne surviendrait. J’ai imploré mon mari d’obtenir du counselling approprié. Il ne pouvait pas cependant s’approprier sa maltraitance suffisamment longtemps pour obtenir l’aide dont il avait besoin. Je savais que tant qu’il ne reconnaissait pas que son système de croyances lui dictait son comportement et que son comportement dans ses relations intimes était maltraitant, il ne changerait pas. Et je ne croyais pas que Dieu exigeait de moi d’être une victime de maltraitance. Je crois que Dieu voulait bien davantage. Je croyais que ma responsabilité envers mes enfants et mon Dieu était de créer un environnement où ils se sentaient en sécurité et valorisés, dans un contexte où la personne était honorée et respectée.

Les secrets cachés peuvent créer une douleur publique que nous ne pouvons imaginer. Il est temps pour les évangéliques de créer des endroits et des espaces qui favorisent la guérison et l’espoir pour les familles et les foyers qui ont vécu trop longtemps dans l’ombre de la peur et de la maltraitance.

Merci, Jack de nous avoir transmis ce billet qui donne à réfléchir. C’est un saisissant rappel que nous devons marcher à l’ombre du Christ où nous devons non seulement encourager, élever et aimer notre conjointe. Mais nous devons également épauler les personnes dans nos congrégations et nos cercles d’influence qui luttent peut-être dans leur propre mariage.

Source :

  1. https://www.unwomen.org/en/what-we-do/ending-violence-against-women/faqs/types-of-violence#:~:text=Violence%20against%20women%20and%20girls%20is%20defined%20as%20any%20act,public%20or%20in%20private%20life.
  2. https://www.monarchplace.org/understanding-abuse/