Cybercarnet d'AIDE

À l’intérieur. À l’extérieur. En altitude.

Les artisans de la paix veillent sur les réfugiés syriens au Liban :

 

En 2018, j’étais assise près du chauffeur d’autobus, en face de la maison de l’un de nos élèves. Un Libanais s’est approché de moi pour me demander : « Êtes-vous une école? » Je lui ai répondu : « Oui, nous sommes un centre pour réfugiés d’une l’Église. » Il a levé les yeux au ciel, exaspéré : « Quoi?  Pourquoi leur enseignez-vous et les aidez-vous? Ce sont des gens comme vous qui les retiennent au Liban. Ce sont des voleurs et des criminels. »

Nous avons démarré ce centre en 2014, dans la région de Keserwan, à prédominance chrétienne, c’est-à-dire maronite ou encore catholique orientale. Les gens de notre Église visitaient les foyers de réfugiés avec des colis alimentaires; nous avons été surpris de trouver tant d’enfants de moins de sept ans qui ne fréquentaient pas l’école. C’est à ce moment que nous avons décidé qu’il était temps d’agir. Depuis l’afflux de réfugiés syriens cependant, notre province a connu un changement démographique occasionné principalement par l’arrivée de réfugiés syriens musulmans qui y louent des maisons. Les Libanais et les Syriens sont très près culturellement. Ils sont voisins : nous parlons la même langue, avec différents dialectes; nous mangeons la même nourriture, avons des familles communes, des mariages mixtes et bien plus en partage. La réaction de cet homme s’explique. Effectuons une rétrospective historique pour mieux comprendre la transformation de cette fraternité.

Notre histoire de 1990 à 2005

Pendant quinze ans, le Liban a été en proie à une guerre civile, amorcée en 1975 où même les chrétiens s’entretuaient. À cette époque, la Syrie s’investissait au Liban par son soutien arabe. En 1989, les partis se sont entendus pour désarmer les milices et les alliés libanais de la Syrie se sont entendus pour permettre à la Syrie d’aider le Liban pendant les deux ans de cette transition. Certains chrétiens opposés à cette décision ont été réduits au silence par la force. En 1990, la Syrie avait déployé 30 000 troupes et membres des services secrets au Liban. Elle exerçait sa domination sur les affaires et l’économie du Liban. La protection du Liban par la Syrie a duré quinze ans, jusqu’en 2005. Les gens se sont révoltés et ont mis fin à « l’occupation syrienne ». Article du New York Times de 2005 (en anglais seulement.) L’abus de pouvoir des Syriens, en collaboration avec des politiciens libanais corrompus, avait entraîné des crimes, des assassinats et tant d’autres horreurs.  Beaucoup de familles libanaises avaient perdu leurs fils et leurs filles dans les prisons où ils avaient été violés, assassinés ou persécutés en grand nombre. Tant de choses qu’il fallait oublier, tant d’autres à pardonner. Cependant, jusqu’à un certain point, ces deux nations ont toujours su facilement distinguer le gouvernement du peuple.

Études de 2011 jusqu’à aujourd’hui

Après quinze ans où les frères libanais se sont entretués, puis quinze autres où ils ont été opprimés par leurs frères et voisins syriens, cette nation encore souffrante allait être mise à l’épreuve. Depuis 2011, le Liban a connu un afflux de plus deux millions de réfugiés, venus s’ajouter à notre population de quatre millions.  La peur a été la première réaction attendue! Le gouvernement et le peuple ont pourtant accueilli des réfugiés syriens et beaucoup d’autres, y compris des chrétiens, évangéliques ou non, qui demeuraient en guerre avec eux-mêmes dans leur lutte au pardon et à l’amour. En 2017, entre 50 et 76 % des Syriens respectivement à Beyrouth et au mont Liban a rapporté ne pas se sentir les bienvenus au Liban. Article du (UNHCR, USJ, 2017) (en anglais seulement.) Interrogés sur les services, 28 % d’entre eux ont répondu ne pas y avoir accès et 27 % y avoir « parfois » accès. De plus, concernant l’accès aux services, 37 % ont affirmé qu’ils étaient plus mal traités que les autres.

Témoignages : faire la paix avec soi, avec les autres, avec Dieu

Les enfants de Dieu ont maintenant l’occasion de ressembler au bon Samaritain. Dieu nous permet de découvrir :

1) la profondeur de notre blessure a entraîné des préjugés envers les réfugiés syriens, même en tant que disciples du Christ, afin qu’il puisse établir la paix dans nos cœurs.

2) l’image de Dieu dans les réfugiés pour que nous puissions leur pardonner et faire la paix avec eux.

3) la profondeur de l’amour de Dieu pour eux, pour que nous puissions être des ambassadeurs de paix et nous réconcilier avec eux!

Oui, au départ, bon nombre d’Églises étaient prudentes. Cependant, très rapidement, presque chacune d’entre elles s’est levée pour accueillir l’étranger, nourrir l’affamé, prêcher l’Évangile aux âmes perdues. Elles ont même ouvert des centres d’éducation aux enfants qui n’ont plus accès à la sécurité ni le droit d’aller à l’école. Notre centre figure parmi les nombreux autres démarrés par les Églises évangéliques à l’échelle du Liban! L’un de nos élèves a dit un jour : « Ici, vous nous traitez avec dignité, ce qui n’est pas le cas dans les écoles publiques où ils nous crient après! » Une mère a témoigné : « Je continuerai à les envoyer à votre centre. Ici, je sais qu’ils y sont en sécurité et pour moi, c’est ce qui compte le plus. » Cet amour extraordinaire a conduit au Christ de nombreux enfants et leurs familles. Nous en avons été témoins nous-mêmes. Selon Religion Watch : « Des centaines de réfugiés musulmans qui habitent au Liban ont été baptisés au cours de l’année qui vient de s’écouler seulement. » Article du (Religion Watch, 2017) (en anglais seulement.) Un pasteur de la vallée de Bekaa au nord-est du Liban a raconté : « J’ai prié contre les Syriens pour que Dieu nous venge et détruise leur pays comme ils l’ont fait pour le nôtre. » Il poursuit : « Pourtant, maintenant… Nous souffrons dans notre cœur de leurs douleurs. Nous prions constamment pour leur pays. » Il ajoute : « Notre Église travaille nuit et jour pour les aider à guérir leurs blessures, à sécher leurs larmes et à nourrir leurs enfants. » Article du (Sage journals, 2020) (en anglais seulement.)

La semaine dernière, en juin 2022, on a demandé à ce même étudiant qui attendait l’autobus en 2018 : « Quelle est ta requête de prière? » Voici sa réponse : « Je souhaite que Jésus vive dans mon cœur, qu’il soit mon ami et qu’il demeure près de moi dans mes moments de désespoir.

 

 

« Comme Église, vous ne pouvez ériger des murs autour de vous.
Vous devez atteindre la collectivité. »

                                                          — Le pasteur d’une Église  Article de (World Vision, 2019)(en anglais seulement.)