Cybercarnet du président

Le temps est-il venu de se débarrasser du mot qui commence par « É » ?

Le mot « évangélique » peut vouloir dire beaucoup de choses selon plusieurs personnes. Les évangéliques devraient-ils s’interroger sur la pertinence de ce mot, en ce début du XXIe siècle ? J’ai bavardé dernièrement avec l’un de mes bons amis pasteurs. Je lui ai indiqué que nos Églises baptistes avaient vécu une division majeure en 1927 pendant le mouvement moderniste et que l’évangélisme était ainsi « né de nouveau ». J’ai bien peur qu’un autre schisme puisse bien s’annoncer à horizon. Peut-être en 2027 ?

Demandez à une personne ordinaire ce que signifie : « évangélique », selon elle, et il est fort probable que sa réponse sera défavorable. Le portrait de ce mot dans la plupart des médias comporte des connotations négatives. Certaines personnes présentent un portrait simpliste des évangéliques, réduisant ces derniers à la droite républicaine de la politique américaine ; un secteur chrétien, un groupe qui dénigre tout sujet auquel il s’oppose… Contre les gais, contre les trans, contre l’avortement, contre les changements climatiques, etc.

Posez la question à un évangélique typique dans une Église du monde occidental et vous serez surpris de sa définition personnelle d’un évangélique. Une étude britannique de 2016 sur les millénariaux révèle que 32 % des jeunes adultes qui se considèrent eux-mêmes comme évangéliques ne se serviraient jamais de ce mot pour se décrire. Un autre 37 % de millénariaux se disant évangéliques affirment qu’ils ne se serviraient qu’à l’occasion de ce mot pour se décrire. À cet effet, un répondant a commenté : « Ce mot effraie ceux qui ne sont pas chrétiens… Ceux qui pensent que ce mot a quelque chose à voir avec les télé-évangélistes qui demandent de l’argent. » Un autre a ajouté tout simplement : « Ce mot me fait grimacer quelque peu, je crois qu’il est démodé. »

J’ai bien peur qu’aujourd’hui, nous éprouvions le besoin de devoir définir les mots. Je suis maintenant convaincu que nous ne parlons pas tous de la même chose lorsque nous mentionnons les mêmes mots, les mêmes croyances et les mêmes valeurs entourant l’expression « évangélique ». Nous devons nous passionner uniquement pour le « euangelion » : la bonne nouvelle annonçant que Jésus sauve, et Jésus seul, et pour le message qui nous annonce beaucoup plus que cela, en abondance.

Les réveils survenus au XVIIIe et au XIXe siècle ont vu s’ébranler l’orthodoxie moribonde des Églises protestantes. Wesley, Whitefield et Finney, réformateurs spirituels, ont été étiquetés avec mépris comme étant des « enthousiastes ». La société civile et son église ont été ébranlées par l’extravagance exprimée par les évangéliques.

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, un effet de bascule théologique résolument vers la gauche, a engendré la société civile et l’adoption par l’Église de l’Évangile social, désigné ainsi par un bon nombre de personnes. Machen, Henry, Ockenga et bien d’autres y ont adhéré et en ont défini les principes évangéliques. Des praticiens comme Stott, Lloyd-Jones, Graham, Bright et d’autres ont rendu populaires les énoncés de vérité de l’évangélisme. Ce qui a engendré un mouvement planétaire composé de plusieurs dizaines de millions d’adhérents à la fin du XIXe siècle. Ce nombre est passé à environ 630 millions d’évangéliques au début du XXIe siècle. Ainsi, en 1900, le continent africain comptait environ 10 millions de chrétiens évangéliques, soit 10 % de la population totale. En 2000, ce nombre a explosé pour atteindre 360 millions, soit 50 % de la population de ce continent. Il s’agit vraisemblablement, à lui seul, du basculement le plus important sur les plans culturel comme spirituel chez les êtres humains dans l’histoire.

Le succès  connaît cependant son lot de problèmes. La marque. Notre identité. Que signifie le fait de vous considérer comme évangélique en 2020 ? Un adhérent se sert du mot « Expiation », mais sa définition correspond-elle celle que vous croyez qu’il signifie ? Une autre se décrit comme évangélique progressiste. Parlons-nous des mêmes choses lorsque nous nous servons des « mots évangéliques » si honorés au fil du temps ?

Beaucoup de gens parmi nous ont entendu la description des quatre critères qui définissent l’évangélisme selon David Bebbington  :

  1. Le biblicisme : une considération particulière pour la Bible,
  2. Le crucicentrisme : l’œuvre expiatoire du Christ sur la croix, comme point de mire
  3. La conversion : la croyance que les êtres humains doivent se convertir,
  4. Le militantisme : le fait de croire que l’Évangile doit s’exprimer par l’action.

Ne sommes-nous pas tous sur la même longueur d’onde en tant qu’évangéliques de nos jours ? Devrions-nous nous débarrasser du mot « évangélique » ? Ce mot ne parvient-il plus à définir  facilement et manifestement ce que nous sommes ? Ce mot est-il entièrement dépourvu de sens en 2020 ?

Pour ma part, j’aime ce mot. La bonne nouvelle. L’Évangile. La bonne nouvelle canalisée en un seul mot : « évangélique ». Je préférerais récupérer ce mot plutôt que de nous en débarrasser. Combler ce mot d’une orthodoxie et d’une orthopraxie, qui reflètent des gens de la bonne nouvelle, dont la vie exprime la transformation par l’abondance et la joie. Tant et si bien que c’est qui vient aussitôt à l’esprit des gens ordinaires lorsqu’ils entendent le mot « chrétien évangélique ». La manifestation dans notre vie devrait se traduire par notre ardent désir de témoigner de cette bonne nouvelle. Ne jamais oublier que l’Évangile demeure vraiment une bonne nouvelle. Tout le monde veut entendre de bonnes nouvelles. Ensemble, déclarons aujourd’hui que nous sommes « enthousiastes ».

Êtes-vous prêt à vous débarrasser du mot, évangélique ? Si tel est le cas, pourquoi ?