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Le retentissement de la traduction de la Bible en sindhi

« Oh ! Nous ne nous servons pas de cette traduction du Nouveau Testament pour notre travail. »

Cette déclaration m’avait stupéfié. Elle provenait d’un évangéliste à l’œuvre auprès de son peuple parmi les tribus hindoues. C’était en 1990 et je venais d’amorcer mon travail avec l’équipe de traduction de l’Ancien Testament en sindhi.

En 1972, Hu Addleton avait commencé la traduction du Nouveau Testament en sindhi courant. En 1985, ce travail avait été achevé par la détermination de Ralph Brown et de son équipe de traducteurs et de réviseurs Sindhis. Le Nouveau Testament en sindhi, publié par la Pakistan Bible Society, avait été distribué dans la province du Sindh, majoritairement musulmane. À cette époque, un mouvement pour le Christ chez les tribus hindoues avait vu le jour et suscité l’implantation de beaucoup d’Églises. J’avais cru que cette nouvelle traduction du Nouveau Testament en sindhi courant avait été capitale à la formation de disciples dans ces tribus. J’ai été stupéfait d’apprendre qu’on ne s’en servait pas.

« Pourquoi ne l’utilisez-vous pas ? » Ai-je alors demandé.

« Parce qu’elle renferme de nombreuses références et de noms islamiques. Les hindous en sont très offensés », m’a-t-on répondu.


Une traduction de la Bible qui retentit


Cette franchise m’a fait comprendre qu’une traduction claire et compréhensible ne suffit pas, elle doit également produire un retentissement auprès des codes culturels et religieux. Si nous ignorons cette réalité, la traduction ne sera pas reçue et des années de traduction pertinente seraient gaspillées.

Toute traduction comporte une terminologie qui s’accompagne d’un « bagage ». Ce dernier touche le lectorat dans une variété de sphères, notamment les volets émotionnel, politique et intellectuel.

Les hindous et les croyants d’arrière-plan hindou du Sindh lisent les Écritures avec leur point de vue de peuple marginalisé dominé par la majorité musulmane. Même si la signification du texte semble accessible, la terminologie religieuse musulmane de la version du Nouveau Testament en sindhi musulman entraîne une réaction émotionnelle de dégoût et de rejet chez les lecteurs hindous. Leur réaction aux mots utilisés embrouille la communication du message. Imaginez la réaction produite dans une Église canadienne moyenne par la lecture suivante de Jean 3.16 d’un pasteur : « Car Allah a tant aimé le monde qu’il a donné… » Bon nombre de chrétiens dans le monde font référence à Dieu par le mot Allah, comme c’est le cas en Malaisie.


La traduction de la Bible destinée à des groupes religieux distincts

J’ai poursuivi cette conversation avec ce frère évangéliste. Je me suis interrogé. « Comment donner l’Évangile aux hindous si vous ne pouvez leur lire le Nouveau Testament en sindhi ? »

Le Pakistan compte plus de 90 langues. L’ourdou demeure la langue nationale. Dans la province du Sindh, le sindhi constitue la langue régionale. On y trouve de nombreux groupes tribaux qui comptent chacun leur propre langage. Le Sindh connaît une prépondérance du sindhi pour le commerce et l’éducation, entremêlé de l’ourdou, largement répandu. Lors de leurs rencontres, les groupes tribaux hindous communiquent généralement en sindhi. La Bible en version ourdoue demeure la plus répandue chez les croyants protestants. Cette version soignée et bien formulée reste souvent difficile à comprendre, même chez les gens d’expression ourdoue. Chez les gens de tribus hindoues, qui comptent beaucoup d’analphabètes, l’ourdou demeure au mieux leur troisième langue. Sa réponse m’a troublé : « Nous leur lisons la version ourdoue de la Bible. Puis nous leur expliquons ce qu’elle signifie. »

L’insuffisance de cette réponse et le besoin d’une traduction de la Bible qui retentit chez le lectorat sindhi hindou m’ont préoccupé pendant notre poursuite de la traduction de l’Ancien Testament en sindhi. Celle-ci s’adressait à un lectorat musulman, jusqu’à son achèvement en 2007. À cette époque, une équipe s’est formée pour la création du Nouveau Testament en sindhi hindou de concert avec la révision du Nouveau Testament en sindhi musulman. Nous espérions traduire le Nouveau Testament en deux versions destinées à deux lectorats différents. Celles-ci comporteraient suffisamment de similitudes pour assurer l’unité dans la forme, le style et la syntaxe du texte lors des rencontres mixtes de ces deux groupes.


La traduction de la Bible destinée aux sous-cultures distinctes

Une autre difficulté s’ajoutait à notre travail. En effet, la version pertinente en sindhi hindoue devait servir deux groupes distincts. Le premier, celui des tribus hindoues dont le sindhi n’était pas la langue maternelle et le deuxième, celui des gens en dehors des tribus dont le sindhi constitue la langue maternelle. Un Sindhi musulman chevronné avait longtemps travaillé au Nouveau Testament en sindhi courant, un orateur hindou de langue maternelle sindhi et un évangéliste d’origine tribale et hindoue, avec le sindhi comme deuxième langue, composaient notre équipe. J’ai dirigé cette équipe, en « exégète ». J’avais la responsabilité des savoirs et de la documentation pour veiller à la fidélité de la traduction. Nous avions pour objectif de travailler ensemble à la préparation en sindhi du Nouveau Testament en deux volets. Une version convenable à un lectorat musulman et une autre version reçue par les hindous qui avaient le sindhi comme langue maternelle et les croyants de la province du Sindh d’arrière-plan tribal hindou sindhi.


La démarche de traduction de la Bible

La première version du Nouveau Testament en langue courante a été achevée en 1980 sans l’aide d’ordinateurs. Par la suite, nous avons eu accès à de puissants programmes informatiques de traduction de la Bible. Nous avons consulté beaucoup de documentation et de spécialistes, dont Larry Perkins du Northwest Seminary, pour la nouvelle traduction du Nouveau Testament en sindhi hindou et sa version en sindhi musulman.

La traduction du Nouveau Testament de 1980 s’effectuait par étapes : plusieurs chapitres de la version en sindhi étaient envoyés aux Sindhis hindous qui nous suggéreraient le vocabulaire hindou équivalent aux expressions islamiques. La terminologie hindoue équivalente de mots comme Dieu, fils, esprit, Tout-Puissant, promesse, prophète, apôtre, grâce et amour était proposée et servait à l’ébauche d’une traduction. Deux membres de l’équipe lisaient l’intégralité du texte, proposaient des corrections grammaticales et d’autres ajustements convenables pour le lectorat hindou. Puis nous avons poursuivi le travail ardu de la vérification exégétique des deux versions, ainsi que la reformulation infiniment attentive en sindhi. Nous nous sommes assurés de la compréhension et l’exactitude de l’intégralité du Nouveau Testament.

Réjouissances !

Et maintenant, nous nous réjouissons ! Les versions hindoue et musulmane en sindhi courant du Nouveau Testament ont été achevées à l’automne 2021 et sont prêtes à être publiées. Ces deux versions sont offertes gratuitement par l’application Kalaam i Muqaddas. Des versions papier seront également disponibles.

Nous prions pour que Dieu se serve de sa parole de manière puissante au sein du peuple sindhi et que beaucoup d’entre eux deviennent ses disciples.

Mark Naylor est coordonnateur de l’International Leadership Development (CILD) au Fellowship à l’étranger et au Northwest Baptist Seminary de la Trinity Western University à Langley en Colombie-Britannique. Karen, sa femme et lui ont été missionnaires du Fellowship à l’étranger auprès du peuple sindhi au Pakistan de 1985 à 1999.