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Le récit de Vika : quitter l’Ukraine

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, une vague de personnes a commencé à quitter ce pays. La Pologne, où œuvrent les missionnaires du Fellowship Ben et Krista Taylor et Pierre et Hanna Jutras, est rapidement devenue la destination de prédilection pour la plupart de ces réfugiés. Devant ce besoin, nos missionnaires et leurs partenaires d’Églises ont mis sur pied deux refuges d’urgence dans les églises de Hrubieszów et de Zamość en Pologne, près de la frontière ukrainienne. Par la générosité de nombreuses personnes et des communautés d’Églises, ces refuges poursuivent leurs activités depuis maintenant trois mois. Beaucoup de bénévoles polonais proviennent des Églises de partout en Pologne et s’y investissent, ainsi qu’une petite équipe de Canadiens bénévoles de Colombie-Britannique. Voici à cet effet, le récit de Vika, l’une de ces réfugiées qui a séjourné dans le refuge de l’Église de Zamość.

« Pour moi, c’est en 2014 que cette guerre a commencé », souligne Vika, dans sa réflexion rétrospective sur son parcours. À l’époque, elle s’était rendue sur la péninsule de Crimée avec sa fille épileptique pour y obtenir des soins médicaux. Pendant leur séjour là-bas, la Russie avait annexé la péninsule de Crimée qui avait appartenu auparavant à l’Ukraine. Soudainement, tout avait changé. Les troupes russes étaient omniprésentes. Les médecins de l’hôpital où sa fille recevait ses soins ont commencé à menacer Vika, cette Ukrainienne qui n’était plus la bienvenue. Un jour, les médecins l’ont avertie de ne plus sortir, parce qu’elle pourrait mourir ! C’en était trop ; elle voulait simplement rentrer à la maison. Elle a emmené sa fille hospitalisée et s’est précipitée à la gare dans l’espoir de trouver un moyen de retourner chez elle. Lorsqu’elle a ouvert la porte du premier train, un soldat russe l’a avertie : « C’est terminé. Vous devez rester ici. » En larmes, priant constamment, Vika et sa fille se sont précipitées de wagon en wagon, dans l’espoir de trouver un train sécuritaire pour fuir la Crimée. Finalement, la porte d’un train s’est ouverte et quelqu’un leur a permis d’y entrer. Pour elles, le chemin du retour a été effrayant : on peut imaginer cette jeune femme et sa petite fille dans un wagon bondé de soldats. Elles ont pu cependant retourner chez elles saines et sauves.

Puis, huit années plus tard, une nuit de 2022, chez elles à Lviv, la petite fille de Vika l’a réveillée à 4 heures du matin pour lui dire : « Maman, la guerre, la guerre a commencé ! » Les semaines suivantes ont été très fortes en émotions. Plusieurs fois par jour, les sirènes d’alerte annonçant les frappes aériennes ont retenti. Vika et sa famille se précipitaient aussitôt pour se mettre à l’abri. Le lieu le plus sécuritaire demeurait le sous-sol d’une église près de chez elles que beaucoup de personnes avaient commencé à fréquenter. L’homme qui accueillait les gens pour leur offrir un refuge dans cette église leur recommandait : « Ne cédez pas à la panique, mais prions ensemble. » Vika se souvient : « Il a commencé à prier. Et cent personnes, et bientôt deux cents se sont joints pour prier à leur tour avec lui, ce qui nous a fortifiés. »

La cadence des alertes s’est intensifiée. L’accès de Vika aux médicaments pour sa fille est devenu plus difficile. Elles ont pris la décision de se rendre en Pologne. Le mari de Vika a eu du mal à laisser partir sa femme et leur fille. Mais il n’y avait pas d’autre solution.
La route en autocar vers la frontière polonaise a été cauchemardesque. Vika a été malade pendant ce voyage en autocar bondé où s’entassaient cent autres passagers. Ce parcours de 80 kilomètres a pris vingt heures ! Vika témoigne : « C’était difficile d’être coincées au milieu de tous ces gens dans cet autocar où pleuraient les enfants et où jappaient les chiens… Toutes les femmes ont tenté de s’épauler. À un moment donné, nous avons manqué d’eau et de nourriture. Des bénévoles nous attendaient au bord de la route. Ils ont frappé à la porte de l’autocar pour nous donner du thé, de l’eau chaude, de la nourriture des couches et des aliments pour bébé. »

EIles ont attendu des heures pour traverser la frontière. En effet, des milliers de personnes souhaitaient eux aussi entrer en Pologne. Vika souligne : « Je me suis presque effondrée en sortant du car. Mes jambes étaient si faibles et j’ai failli perdre conscience, comme tant d’autres. » Malgré le repas chaud et l’eau qu’on lui avait offerts, ce voyage de vingt heures l’avait privée de sommeil et elle demeurait trop épuisée pour pouvoir manger.

Vika et sa fille ont été accueillies pour la nuit chez Marichka, une Ukrainienne qui vit en Pologne, enceinte de neuf mois. Elle avait attendu à la frontière depuis 2 h 30 ce matin-là pour offrir son aide. Vika et sa fille ont dormi presque tout le jour suivant. Elles étaient reconnaissantes d’être arrivées saines et sauves là-bas.

Le lendemain, elles ont pu communiquer avec le pasteur de cet endroit. Elles ont été conduites au refuge de Zamość, parrainé par AIDE. Le lendemain de leur arrivée, elles ont assisté au culte de l’Église locale. « C’était la première fois que je fréquentais une Église en dehors de l’Ukraine. Nous étions si près et d’un même cœur. J’ai reconnu les mêmes cantiques et certaines paroles… Certains de ces chants demeuraient déjà si chers à mon cœur et à ma mémoire. Je loue le Seigneur pour l’universalité du corps du Christ et animé du même esprit. Je les considérais déjà comme des membres de ma famille. Je suis très reconnaissante à Dieu pour son salut. »

Vika ajoute : « Je suis très inquiète et je me sens très coupable, parce que j’ai laissé mes parents, mon mari et mon Église. Je me sens comme une traîtresse. J’ai laissé mon mari pendant une période très difficile… » L’un des bénévoles a remis une carte SIM valide en Pologne qui lui permet de communiquer avec son mari, demeuré dans son pays.

Si vous souhaitez aider plus de réfugiés comme Vika, vous pouvez le faire par notre site Internet. Vos prières et votre soutien contribuent à offrir les soins et l’assistance de nombreux réfugiés qui arrivent en Pologne. Merci.